10 étapes pour améliorer sa santé mentale
Pour beaucoup de gens, les maladies mentales suscitent bon nombre d’interrogations
sans réponse. Dans mon cas, la question « Pourquoi moi ? » est l’une de celles que je
me suis posées très souvent. Elle est même devenue la question centrale de mon
engagement de médecin naturopathe spécialisée en santé mentale, me demandant
d’où viennent les maladies mentales. Des décennies d’expérience, sur mon propre
parcours aussi bien qu’avec mes patients, m’ont convaincue de l’importance de dix
facteurs clés dans le domaine de la santé mentale :
- Alimentation
- Sommeil
- Activité physique
- Gestion du stress
- Pensées
- Émotions
- Comportements et réactions
- Exposition aux toxines environnementales
- Spiritualité
- Amour et compassion envers soi-même et envers les autres
Alimentation
Les troubles tels que la dépression
et l’anxiété sont souvent décrits
comme des carences en neurotransmetteurs, mais les
traitements pharmaceutiques ne
résolvent pas la cause profonde
qui est à l’origine du déséquilibre
de ces substances chimiques. Si
votre organisme ne parvient pas
à produire des quantités suffisantes
de neurotransmetteurs, c’est peut-
être qu’il manque des éléments nécessaires ou d’autres cofacteurs biochimiques essentiels.
Si votre alimentation est pauvre, fortement transformée, pleine de caféine et de sucre, vous ne pouvez tout simplement pas fabriquer assez de sérotonine et d’autres neurotransmetteurs pour vous sentir en équilibre. Les toxines environnementales comme les métaux lourds, les pesticides, et les perturbateurs endocriniens entravent aussi l’absorption des nutriments. Les mécanismes de base de l’activité cérébrale ont besoin, en quantité suffisante, des nutriments essentiels que sont le tryptophane, la vitamine C, le fer, le magnésium, la vitamine B2 (riboflavine), la vitamine B3 (niacine), la vitamine B6 (pyridoxine), la vitamine B9 (folate), et le zinc.
L’alimentation est donc extrêmement importante, mais la façon dont on se nourrit l’est aussi. Cuisiner à la maison, partager ses repas, bien mâcher, et manger consciemment sont autant d’habitudes qui peuvent faire une grande différence. Le taux de glycémie affecte aussi l’humeur de façon significative ; il importe donc de manger régulièrement. Il y a tant à dire à propos de l’alimentation que j’ai écrit un livre sur le sujet : The Essential Diet: Eating for Mental Health.
Sommeil
Des habitudes de sommeil constantes
et régulières sont essentielles pour
notre santé mentale, car elles nous permettent de nous reposer, de nous désintoxiquer, et de « digérer » ce qui nous arrive pendant la journée. La privation de sommeil réduit l’énergie ; augmente le stress, le niveau de
cortisol, et la sensibilité émotionnelle ; nuit au système immunitaire ; et
favorise la prise de poids. De plus,
les médecins savent aujourd’hui
que le manque de sommeil contribue directement à la pathogenèse de nombreux troubles mentaux aigus ou chroniques comme la dépression, l’anxiété, et les épisodes psychotiques.
Il ne s’agit pas seulement de quantité, mais aussi de qualité. Dormez-vous paisiblement, ou
vous réveillez-vous plusieurs fois au cours de la nuit ? Êtes-vous stressé, grincez-vous des
dents, ou faites-vous des mauvais rêves ? Le stress augmente le taux de cortisol dans
l’organisme, réduisant ainsi sa capacité à produire de la mélatonine, l’hormone qui maintient
le sommeil, et rendant plus difficile de passer une bonne nuit.
En fin de compte, avoir un bon sommeil découle d’un processus multifactoriel, qui
demande de travailler sur son mode vie, ses pensées, son alimentation, son
activité physique, ses hormones, et ses mécanismes d’adaptation au stress. Les
suppléments alimentaires et les médicaments ne peuvent pas faire tout le travail,
le but étant de traiter ce qui est à l’origine du mauvais sommeil.
Activité physique
J’ai l’habitude de dire que l’exercice physique est l’antidépresseur le
moins prescrit sur le marché. Une
méta-analyse menée en 2016 sur la pratique régulière de l’aérobie
comme traitement de la dépression montre qu’elle est statistiquement
égale aux traitements
antidépresseurs, sans leurs effets secondaires. C’est aussi valable
pour la schizophrénie, les troubles bipolaires, le TDAH, et les TOC. L’aérobie n’est pas le seul exercice efficace ; des études montrent aussi les bénéfices que l’on peut tirer d’autres types d’activité. La pratique régulière de la musculation, d’un sport (ex. course à pied intensive), ou du yoga permet d’améliorer l’humeur et de diminuer l’anxiété et la dépression.
Les bienfaits psychologiques de l’activité physique sont encore plus importants
quand on la pratique avec d’autres, et notamment dans le cas d’une activité
extérieure. Rejoindre une équipe sportive qui vous obligera à sortir et à avoir des
interactions sociales régulièrement, c’est faire un grand pas vers l’amélioration de
votre santé mentale.
Gestion du stress
Le stress, c’est l’impression que nos ressources (internes ou externes) sont presque
épuisées (ou entièrement utilisées), et que nous avons du mal à faire face aux
exigences de la vie. Quelle qu’en soit la cause, si notre esprit ressent un stress
psychologique, notre organisme éprouvera un stress physiologique. Ce dernier est
un ancien mécanisme de survie inné, destiné à nous permettre de fuir les situations
dangereuses — ce qui est moins utile dans notre monde actuel…
Cette réaction de type « lutter ou fuir » ralentit notre système immunitaire, arrête la
digestion, et modifie notre production d’hormones, ce qui influe sur notre sommeil et
nos réserves d’énergie surrénaliennes. Tout ceci, à long terme, peut entrainer
épuisement surrénalien, tension musculaire, troubles digestifs, dépression, anxiété,
et insomnie.
En matière de gestion du stress, la première étape consiste à prendre conscience
de ce qui le déclenche. Il est possible ensuite de travailler à réduire ou à éliminer
ces facteurs de stress. Si vous ne pouvez pas les réduire, vous devez apprendre
à gérer vos réactions en fonction de votre situation actuelle. Utiliser des techniques
de psychothérapie telles que les « 7 R » ou le travail sur ses pensées
problématiques (ce que j’aborde dans mon livre Beyond the Label), ou se servir
d’outils de relaxation systématique, vous permettra de gérer votre réponse au
stress.
Exposition aux toxines environnementales
Dans notre vie quotidienne, les produits chimiques sont partout. Il est très dommage
que les instances de régulation ne nous protègent pas assez face à tant de toxines
environnementales dangereuses. Hélas, ces substances insidieuses contribuent à
beaucoup de problèmes de santé, y compris les troubles mentaux.
Pour savoir quelle est votre charge toxique, essayez ce questionnaire environnemental (http://naturalterrain.com/environmental-quiz/), qui prend en considération votre
exposition aux plastiques, aux pesticides, aux poêles antiadhésives, aux microondes,
aux parfums et colorants artificiels, au maquillage et produits de beauté, aux aliments
génétiquement modifiés, au savon antibactérien, à l’alcool, et aux produits
pharmaceutiques, de même que l’utilisation prolongée du téléphone portable. Il y a
aussi la qualité de l’air et de l’eau là où vous habitez — les filtrez-vous ?
Avec autant de sources de pollution, il est difficile de ne pas se sentir submergé. Il
n’est bien sûr pas question de vous accabler en essayant de tout changer
immédiatement. Commencez par prendre conscience de vos expositions les plus
fortes et les plus fréquentes, et essayez de les réduire. Utilisez des outils pratiques
comme la Liste des aliments les plus imprégnés de pesticides et de ceux qui le sont
le moins, publiée par l’Environmental Working Group (disponible en tant
qu’application sur téléphone intelligent Think Dirty, qui vous permet de scanner vos
produits ménagers pour connaitre leur toxicité et trouver des alternatives plus saines).
Pensées
Toutes nos pensées ne sont pas des vérités ; ce ne sont que des idées, présentes
dans notre tête. Pourtant, certaines d’entre elles sont si fortes que nous les prenons
pour des faits. Il arrive que d’anciens traumatismes et conditionnements provenant
de l’enfance se manifestent dans nos pensées, par exemple « je ne vaux rien », ou
« je suis incapable de faire ça », ou encore « je ne suis pas digne d’amour ».
À chaque fois que nous avons ce genre de pensées négatives, nous réagissons
émotionnellement comme si elles étaient vraies. Nous pouvons nous sentir blessés,
tristes, abattus, démoralisés, déprimés, voire suicidaires. Ces émotions peuvent
alors renforcer les pensées et les rendre encore plus « vraies ». Tout se passe
comme si les émotions apportaient la preuve que nos pensées sont la vérité.
Quand nous sommes pris dans ce cercle vicieux, tout ce qu’il reste à faire est de
rompre le cycle pensées-émotions. Il est possible, en procédant par étapes, de
creuser l’écart entre les pensées et les émotions, et d’apprendre à séparer les
faits de la fiction. Vous pouvez apprendre que les pensées et les réactions
émotionnelles qu’elles provoquent n’ont pas à diriger votre vie. Vous pouvez
apprendre une façon plus équilibrée de penser. Cette méthode utilise un modèle
cognitif qui permet d’identifier et de gérer ce type de pensées perverses, ainsi que
des techniques corporelles et respiratoires pour maitriser le système nerveux
parasympathique et moduler la réponse au stress physiologique.
Émotions
Chez certains, les émotions sont
furtives, difficiles à cerner ; chez
d’autres, elles seront nettes,
accablantes, continues. Elles
peuvent aussi être différentes
chez la même personne selon la
période. Le travail émotionnel que
je fais avec mes patients suit un processus de compréhension de
ce qu’ils ressentent, de façon très
directe et très franche, puis
d’abandoner les résistances et
d’accepter ces émotions. J’enseigne comment identifier ses propres degrés de sensibilité émotive, comment poser des limites, et comment prendre conscience du moment présent. Ce processus va de pair avec le travail sur les pensées, les comportements, et la réactivité émotionnelle.
Comportements et réactions
Les troubles mentaux connaissent souvent des cycles de comportements qui les
renforcent : s’isoler, dormir trop ou trop peu, passer par des phases d’excès ou
d’absence d’émotion, manger trop ou trop peu, etc. Pour corriger cela, à la suite
du travail sur les pensées et les émotions, vient la pratique du changement de
comportement.
À mesure que l’on apprend à dilater le temps qui sépare les pensées des émotions,
se développe aussi la possibilité d’agir et non pas simplement de réagir. Il est
réellement possible d’apprendre à choisir un comportement équilibré, plutôt que de
réagir dans l’instant pour se protéger.
S’il nous vient une pensée négative, par exemple, nous avons la capacité de marquer
un temps d’arrêt et de nous dire : « Je suis en train d’avoir une pensée négative ». En
faisant cela, nous accentuons l’écart entre la pensée et l’émotion, et nous savons
reconnaitre exactement quelle est cette émotion. Nous avons alors l’opportunité de
choisir, sans hâte, comment y répondre. Nous pouvons choisir d’agir de façon
équilibrée et positive, pour ne pas alimenter les pensées ou les sensations négatives
qui accompagnent les troubles psychologiques. Nous choisissons d’agir pour sortir du
cycle des pensées et des émotions, et nous transporter hors de la dépression, de
l’anxiété, et autre engrenage psychologique.
Spiritualité
Les troubles mentaux sont souvent perçus comme un déséquilibre biochimique. J’ai consacré ma vie
à explorer les autres facteurs qui contribuent, en dehors de la
biochimie, aux problèmes de santé mentale, dont la psychologie, les
traumatismes, la physiologie, et l’environnement — mais il y a un
autre facteur à explorer : l’aspect
spirituel de la santé mentale. Je
définirai ici la spiritualité comme le
fait de croire, ou d’être connecté, à une puissance supérieure à soi.
Mon opinion est que le trouble mental est un moyen par lequel notre esprit essaye
d’attirer notre attention sur le fait qu’un aspect de notre vie (école, travail, relation…)
ne va pas dans le sens de ce que nous sommes. Avec du recul et en prenant le
temps dans le silence, d’être présent, de parler aux autres, et d’accepter ce que
nous ressentons, il est possible de corriger les motifs profonds de la dépression,
de l’anxiété, de la dépendance, des troubles bipolaires, et des autres problèmes
qui ont leur source dans le domaine spirituel.
Ma conviction personnelle est que se placer sur un plan spirituel, quelle que soit
la pratique que vous choisissez, est essentiel et même vital pour vous guérir vous-
même et l’état actuel de la planète.
Amour et compassion pour vous-même
et pour les autres
En dernier ressort, ce sont nos sentiments et la façon dont nous nous traitons
nous-mêmes qui déterminent notre santé mentale et notre bienêtre. Je
demande à tous mes patients à quel degré ils s’aiment eux-mêmes, sur une
échelle de un à dix, et il est rare que j’obtienne une réponse supérieure à cinq.
Il est désolant pour moi d’entendre quelqu’un parler de lui-même si durement —
bien qu’il me soit arrivé de donner une réponse semblable. Posez-vous la
question : si vous parliez à votre meilleur ami de la façon dont vous vous
adressez à vous-même, l’accepterait-il ? Beaucoup de ceux qui luttent pour leur
bienêtre mental cachent ces échanges intimes, et vivent dans la honte.
Le don incroyable que je peux partager avec mes patients est de savoir apprendre
à s’aimer et, finalement, comment étendre cet amour au reste du monde. Grâce à
des techniques comme le « travail du miroir », la reprise de contact avec son corps,
l’affirmation de soi, la gratitude, l’autocompassion, et la communication non violente,
l’amour est une compétence qui peut être apprise et améliorée.
Conclusion
Les troubles mentaux sont des affections multiformes pour lesquelles il n’existe pas
d’expérience ni de manifestation universelle. Je crois fermement qu’il n’existe pas
de solution simple et miraculeuse à des problèmes aussi complexes. Pour guérir
vraiment, vous devez traiter chaque aspect : alimentation, sommeil, activité
physique, gestion du stress, détoxification environnementale, pensées, émotions,
comportements, spiritualité, amour, et acceptation. Faites cela, attaquez-vous aux
causes profondes du trouble, et vous rétablirez votre santé mentale. Retrouver
votre santé mentale est possible, et vous en êtes capable. Commencez par faire
le premier pas !
Références
- Bjorndal, C. Beyond the label: 10 steps to improve your mental health with
naturopathic medicine. Edmonton: Natural Terrain Inc., 2017, ISBN
978-0994802002, 376 p. - Kvam, S., et autres. « Exercise as a treatment for depression: A meta-analysis. »
Journal of Affective Disorders. Vol. 202 (2016): 67–86. - Mead, G.E., et autres. « Exercise for depression. » The Cochrane Database
of Systematic Reviews. Vol. 3 (2009): CD004366.
Christina Bjorndal, ND
Dre Bjorndal se spécialise dans le traitement naturel des
maladies mentales telles que la dépression, l’anxiété, les
troubles bipolaires, les troubles alimentaires, les TOC, le
TDA / TDAH, et les troubles schizophrénie.